Communiqué de presse 08 jan, 2025

Un quart des animaux d’eau douce sont menacés d’extinction - Liste rouge de l’UICN

Gland, Suisse, 8 janvier 2025 (UICN) – La plus grande évaluation mondiale des animaux d’eau douce figurant à ce jour sur la Liste rouge de l’UICN des espèces menacées™ a révélé que 24% des espèces mondiales de poissons, de libellules, de demoiselles, de crabes, d’écrevisses et de crevettes d’eau douce font face à risque élevé d’extinction, selon une analyse publiée aujourd’hui dans Nature. L’étude, co-écrite par l’UICN, recommande une action ciblée pour prévenir de nouvelles extinctions et appelle les gouvernements et l’industrie à utiliser ces données dans la gestion de l’eau et les mesures politiques.

« Alors que la Liste rouge de l’UICN célèbre son 60eanniversaire, elle constitue un baromètre de la vie plus robuste que jamais. Le manque de données sur la biodiversité des eaux douces ne pourra plus être utilisé comme excuse pour l’inaction », a déclaré Catherine Sayer, Responsable de la biodiversité des eaux douces à l’UICN et autrice principale du document. « Les paysages d’eau douce abritent 10% de toutes les espèces connues sur Terre et sont essentiels pour l’eau potable, les moyens d’existence, le contrôle des inondations et l’atténuation des changements climatiques pour des milliards de personnes. Leur protection est donc essentielle, à la fois pour la nature et pour les personnes. Le Congrès mondial de la nature de l’UICN, en octobre prochain, guidera la conservation pour les quatre années à venir, à un moment où le monde s’efforce d’atteindre les Objectifs de développement durable et les cibles du Cadre mondial de Kunming-Montréal pour la biodiversité d’ici 2030. Ces informations permettront aux décideurs et aux acteurs sur le terrain de planifier des mesures de conservation des milieux d’eau douce là où elles sont le plus nécessaires ».

L’étude, « One quarter of freshwater fauna threatened with extinction » (Un quart de la faune d’eau douce menacée d’extinction), a révélé qu’au moins 4 294 espèces sur les 23 496 animaux d’eau douce figurant sur la Liste rouge de l’UICN font face à un risque élevé d’extinction. Selon l’étude, le plus grand nombre d’espèces menacées se trouvent dans le lac Victoria, le lac Titicaca, les zones humides du Sri Lanka et les Ghâts occidentaux, en Inde. Ces zones abritent une biodiversité d’eau douce parmi les plus élevées au monde, y compris de nombreuses espèces que l’on ne trouve nulle part ailleurs sur Terre. Il a été constaté que les systèmes aquatiques souterrains du monde entier contiennent plus d’espèces menacées que prévu. Par exemple, l’Amérique du Nord abrite un nombre élevé d’écrevisses menacées, dont l’espèce Fallicambarus jeanae en Arkansas, considérée comme Vulnérable sur la Liste rouge de l’UICN. Les lacs, les oasis et les sources sont des zones critiques en termes d’extinction. En 2020, quinze espèces de poissons du lac Lanao, aux Philippines, ont été déclarées Éteintes sur la Liste rouge de l’UICN.

La pollution, principalement due à l’agriculture et à l’exploitation forestière, affecte plus de la moitié de tous les animaux d’eau douce menacés. Les écosystèmes d’eau douce sont également dégradés par la conversion des terres à des fins agricoles, l’extraction d’eau et la construction de barrages, qui bloquent également les voies de migration des poissons. La surpêche et l’introduction d’espèces exotiques envahissantes ont joué un rôle particulièrement important dans les extinctions. Par exemple, la carpe Squalius palaciosi, observée pour la dernière fois en 1999, a été déclarée Éteinte cette année en raison de la perte de son habitat à la suite de la construction de barrages et de déversoirs et à l’introduction d’espèces exotiques envahissantes dans le sud de l’Espagne.

L’article a révélé que, bien que les animaux d’eau douce menacés étudiés aient tendance à vivre dans les mêmes zones que des amphibiens, des oiseaux, des mammifères ou des reptiles menacés, ils sont confrontés à des menaces différentes en raison de leurs habitats spécifiques. Des mesures de conservation doivent donc être prises spécifiquement pour ces espèces.

« Bien qu’ils vivent côte à côte dans les Ghâts occidentaux, les mesures de conservation des tigres ou des éléphants n’aideront pas le mahseer à nageoires orangées (Tor remadevii), En danger critique, menacé par la perte d’habitat due à des projets d’ingénierie fluviale et à l’exploitation minière de sable et de rochers, au braconnage et aux espèces exotiques envahissantes. La protection active de la rivière et des affluents où vit le mahseer à nageoires orangées est essentielle à sa survie, en plus d’une réglementation de la pêche et de l’interdiction d’introduction d’autres espèces exotiques envahissantes », a déclaré le Dr Rajeev Raghavan, Président pour l’Asie du Sud du Groupe de spécialistes des poissons d’eau douce de la CSE-UICN et co-auteur du document.

L’étude a également révélé que les zones soumises à un stress hydrique élevé (c’est à dire, où la demande est forte et l’offre faible) et les zones plus eutrophisées (où un excès de nutriments dans l’eau entraîne une prolifération d’algues et de plantes) n’abritent pas un nombre plus élevé d’espèces menacées que les zones soumises à un stress hydrique plus faible et moins eutrophisées.

« Cela montre que le stress hydrique et l’eutrophisation ne sont pas de bons indicateurs pour localiser les espèces menacées et ne doivent pas être utilisés pour guider la conservation. Au lieu de cela, il est essentiel que des données sur les espèces d’eau douce soient activement inclues dans les stratégies de conservation et la planification et gestion de l’utilisation de l’eau, afin de s’assurer que ces pratiques soutiennent des écosystèmes d’eau douce sains », a déclaré le Dr Topiltzin Contreras Macbeath, Coprésident du Comité de conservation des milieux d’eau douce de la CSE-UICN. « Un investissement accru dans la mesure et le suivi des espèces d’eau douce est nécessaire pour garantir que les mesures de conservation et la planification de l’utilisation de l’eau soient basées sur les informations les plus récentes ».

Les crabes, les écrevisses et les crevettes constituent le groupe confronté à un plus grand risque d’extinction parmi les groupes étudiés, avec 30% des espèces menacées, suivi par 26% des poissons d’eau douce et 16% des libellules et demoiselles.

Cette évaluation mondiale de la faune d’eau douce est le résultat de plus de 20 ans de travail par plus de 1 000 experts du monde entier.

Citations de référence :

« Il est facile de voir que les écosystèmes d’eau douce seront soumis à un stress extrême au fur et à mesure que l’eau potable se raréfie, que les sécheresses s’intensifient et que la pollution s’infiltre dans ces habitats. Apprendre qu’un quart des espèces d’eau douce du monde sont fortement menacées d’extinction est donc une tendance profondément troublante. Cette étude confirme ce que nous craignions déjà : les écosystèmes d’eau douce et les espèces qui y vivent ont besoin d’une aide immédiate », a déclaré Stéphanie Wear, Vice-présidente principale de Conservation International au Centre scientifique Moore. « La plupart des animaux d’eau douce menacés, comme les crevettes, les écrevisses ou les crabes, sont petits et vivent cachés sous la surface, mais quelle que soit leur taille, ils sont essentiels pour maintenir en bonne santé les étangs, les lacs et les rivières dont dépendent des milliards de personnes. La dégradation de l’environnement constitue un risque pour leur survie et la nôtre. Nous devons prendre cette étude au sérieux et, plutôt que de désespérer, investir notre énergie et des ressources dans la conservation de ces environnements. Notre santé, notre alimentation, notre eau potable et nos moyens d’existence en dépendent ».

« Cette étude souligne la situation urgente à laquelle font face les écosystèmes d’eau douce, leur biodiversité étant confrontée à un risque important d’extinction et nécessitant une intervention immédiate de conservation. Il est important de s’attaquer aux principales menaces et de prendre des mesures de conservation ciblées pour atténuer tout déclin ultérieur. La sauvegarde des habitats d’eau douce au sens large, y compris les animaux et les plantes qui y vivent, est cruciale pour assurer la fourniture continue de services écosystémiques essentiels à ceux qui dépendent de ces paysages », a déclaré Malin Rivers, Responsable de la priorisation de la conservation chez Botanic Gardens Conservation International.

« Le constat selon lequel un quart des animaux d’eau douce sont menacés d’extinction est un rappel brutal des défis urgents auxquels nous sommes confrontés en matière de protection de la biodiversité. Cela souligne à quel point des données de haute qualité et accessibles sont essentielles pour identifier les espèces en péril et prendre des mesures pour les conserver. En priorisant des stratégies axées sur les données, nous pouvons prendre des décisions plus éclairées pour protéger les écosystèmes d’eau douce et les espèces qu’ils abritent », a déclaré Anne Bowser, CEO de NatureServe.

« Les écosystèmes d’eau douce et les espèces qu’ils abritent sont souvent considérés comme allant de soi. Ils sont cependant essentiels pour prévenir la perte de biodiversité et assurer des moyens d’existence. À mesure que nous en apprenons davantage sur les espèces vivant dans les habitats d’eau douce du monde entier, il est clair que nous devons redoubler d’efforts pour les protéger. Re:Wild est partenaire de SHOAL, une alliance mondiale dédiée à soutenir des partenaires locaux à travers le monde pour prévenir l’extinction des espèces d’eau douce, ce qui constitue un excellent exemple de ce à quoi pourraient ressembler les efforts de conservation », a déclaré Chouly Ou, Coordinatrice de la conservation des poissons d’eau douce à Re:Wild.

« Ce rapport montre clairement à quel point les espèces d’eau douce sont menacées à l’échelle mondiale en raison des activités humaines. La bonne nouvelle est qu’il n’est pas trop tard pour nous de nous attaquer aux menaces telles que la perte d’habitats, la pollution et les espèces envahissantes, afin de nous assurer que nos rivières et nos lacs offrent de bonnes conditions aux espèces qui les habitent », a déclaré le Dr Matthew Gollock, Responsable du programme de la ZSL pour les espèces aquatiques et les politiques, et Président du Groupe de spécialistes des anguilles de l’UICN.

Notes du rédacteur :

À l’occasion du 60e anniversaire de la Liste rouge, l’UICN et les Partenaires de la Liste rouge lancent une campagne mondiale sur les réseaux sociaux visant à sensibiliser et mobiliser des fonds afin d’accélérer les évaluations et réévaluations d’espèces. Cette campagne culminera lors du Congrès mondial de la nature de l’UICN à Abou Dhabi, en octobre 2025. En savoir plus sur la campagne.