Communiqué de presse | 31 Aoû, 2010

Menaces sur les espèces africaines d’eau douce: moyens de subsistance en péril

Gland, Suisse, jeudi 2 septembre 2010 (UICN) – 21% des espèces d’eau douce d’Afrique continentale sont menacées d’extinction, ce qui met en péril les moyens de subsistance de millions de personnes. Compte tenu de l’importance de l’enjeu, les eaux intérieures doivent être gérées non seulement en vue de l’approvisionnement en eau douce, mais aussi pour préserver la richesse biologique qu’elles abritent.

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Photo: Pr. George F. Turner

Dans le cadre de l’étude la plus complète réalisée jusqu’à présent sur le sujet, 5 167 espèces africaines d’eau douce ont évaluées par 200 scientifiques sur une période de cinq ans pour la Liste rouge UICN des espèces menacées™, dont tous les poissons d’eau douce, mollusques, crabes, libellules et demoiselles connus, ainsi que quelques familles de plantes aquatiques. L’agriculture, l’extraction d’eau, les barrages et les espèces exotiques envahissantes sont les principales menaces qui pèsent sur ces espèces.

L’étude met en lumière l’état menacé de notre environnement naturel et comporte des informations essentielles pour les décideurs en vue de l’exploitation et la gestion des ressources en eau douce sur le continent africain. Les résultats sont particulièrement importants pour les gestionnaires, puisque les espèces ont été cartographiées et rattachées à leurs bassins hydrographiques respectifs.

« Les eaux douces abritent un pourcentage disproportionnellement élevé de la biodiversité mondiale. Elles ne couvrent que 1% de la surface de la planète, mais leurs ecosystèmes hébergent près de 7% de l’ensemble des espèces », précise Jean-Christophe Vié, directeur adjoint du Programme sur les espèces de l’UICN. « Cette étude récente de la Liste rouge UICN montre clairement que les lacs, les cours d’eau et les zones humides ne sont pas à l’abri de la crise d’extinction actuelle ».

Même la perte d’une seule espèce peut avoir des effets catastrophiques sur les moyens d’existence humains. Un groupe de poissons connu localement sous le nom de « chambo » est une source d’alimentation importante au lac Malawi. Considérablement surpêchée, Oreochromis karongae, une espèce menacée appartenant à ce groupe, a vu sa population diminuer de 70% depuis dix ans. Au lac Victoria, le déclin de la qualité de l’eau et l’introduction de la perche du Nil (Lates niloticus) a entraîné une importante réduction des populations de nombre d’espèces endémiques depuis trente ans, mettant en danger la pêche traditionnelle. Ayant évalué 191 espèces de poissons du lac Victoria, cette récente étude a trouvé que 45% sont menacées ou considérées comme éteintes.

Dans la région africaine des grands lacs, le poisson est la principale source de protéines et de revenus pour de nombreuses populations comptant parmi les plus pauvres du continent. Il est estimé qu’en Afrique sub-saharienne, la subsistance de quelque 7,5 millions de personnes dépend de la pêche en eau douce. Cette étude très récente est un outil précieux permettant de sauvegarder la pêche, ainsi que l’approvisionnement en eau douce et les nombreuses ressources connexes.

« L’Afrique abrite une diversité étonnante d’espèces d’eau douce, dont un grand nombre ne se trouvent nulle part ailleurs », explique William Darwall, directeur du projet et chef de l’Unité de la biodiversité d’eau douce de l’UICN. « Si nous n’arrêtons pas la perte de ces espèces, le continent va perdre irréversiblement de sa biodiversité, mais des millions de personnes vont perdre aussi une source essentielle de revenus, d’aliments et de matériaux. »

L’étude permet d’identifier des aires prioritaires pour la survie d’espèces menacées ou ayant une aire de répartition restreinte. Ainsi, le lac de cratère Barombi Mbo, au Cameroun, abrite 11 espèces de poissons très menacées. Leur survie est précaire, car la déforestation accroît les risques d’« éructation » : d’importantes quantités de dyoxide de carbone sont libérées des profondeurs du lac, étouffant les poissons. En l’absence d’interventions de gestion, ces espèces, dont certaines sont une importante source d’aliments, peuvent disparaître à jamais.

Les poissons sont bien évidemment importants pour les populations humaines, en tant que source d’aliments et de revenus. Cependant, d’autres espèces d’eau douce, comme les mollusques, les libellules, les crabes et les plantes aquatiques, jouent aussi un rôle essentiel dans le maintien des fonctions des zones humides et il ne faut pas les négliger. Dans les chutes du cours inférieur du Congo, 11 espèces de mollusques, vivant sur une étendue de 100 km, sont très menacées en raison de la pollution en amont. Or, ces mollusques filtrent l’eau et assurent d’autres fonctions importantes.

« Cette nouvelle étude nous permet de sensibiliser les promoteurs et les autorités gouvernementales envisageant des projets d’infrastructures en eaux douces, qui sont encore peu développées dans la plupart des pays africains », dit Anada Tiéga, Secrétaire général de la Convention de Ramsar. « Jusqu’à présent nous n’avions pas les informations nécessaires sur les espèces et les menaces auxquelles elles sont confrontées, mais, grâce à ces évaluations de la Liste rouge de l’UICN, nous espérons que les décideurs africains feront maintenant les bons choix en vue de l’exploitation durable de leurs ressources en eau, tout en protégeant et valorisant la biodiversité mondiale. »

Les résultats de cette étude sont aussi publiées sous la forme de rapports régionaux. Les rapports d’Afrique septentrionale et occidentale sont publiés aujourd’hui.

Notes des rédacteurs: 
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Relations avec les médias:
Borjana Pervan, Relations médias, UICN, tél. +41 22 999 0115, mobile +41 79 857 4072,
borjana.pervan@iucn.org
Lynne Labanne, Responsable de la communication, Programme sur les espèces, UICN, tél. +41 22 999 0153, mobile +41 79 527 7221,
lynne.labanne@iucn.org

La Liste rouge UICN des espèces menacées™

La Liste rouge UICN des espèces menacées™ (la Liste rouge de l’UICN) est considérée comme la source d’informations la plus complète sur le statut de conservation global des espèces végétales et animales. Elle s’appuie sur un système objectif d’évaluation du risque d’extinction de chaque espèce si aucune action de conservation n’est mise en oeuvre.

Les espèces sont classées en huit catégories de menace en fonction de critères basés sur la tendance, la taille et la structure de leurs populations et leur aire de répartition géographique. Les espèces qui sont classées En danger critique d’extinction, En danger ou Vulnérables sont collectivement décrites comme étant «menacées».

La Liste rouge de l’UICN n’est pas seulement une liste de noms et de catégories de menaces. C’est une source très riche d’informations sur les menaces qui pèsent sur les espèces, sur leurs exigences écologiques, les endroits où elles vivent, et sur les actions de conservation auxquelles il est possible de recourir pour empêcher leur extinction ou atténuer leur déclin.

La Liste rouge de l’UICN des espèces menacées™ est une activité conjointe du Programme sur les espèces et de la Commission de la sauvegarde des espèces de l’UICN, en partenariat avec BirdLife International, Botanic Gardens Conservation International (BGCI), Conservation International, le Département de Biologie Humaine et Animale de l’Université de La Sapienza de Rome, NatureServe, les Jardins Botaniques Royaux de Kew, l’Université du Texas A&M, Wildscreen et la Société Zoologique de Londres (ZSL).

www.iucnredlist.org

Au sujet de l’UICN

L’UICN, Union internationale pour la conservation de la nature, aide à trouver des solutions pratiques aux problèmes de l’environnement et du développement les plus pressants de l’heure.

L’UICN œuvre dans les domaines de la biodiversité, des changements climatiques, de l’énergie, des moyens d’existence et lutte en faveur d’une économie mondiale verte, en soutenant la recherche scientifique, en gérant des projets dans le monde entier et en réunissant les gouvernements, les ONG, l’ONU et les entreprises en vue de générer des politiques, des lois et de bonnes pratiques.

L’UICN est la plus ancienne et la plus grande organisation mondiale de l’environnement. Elle compte plus de 1 000 membres, gouvernements et ONG, et près de 11 000 experts bénévoles dans quelque 160 pays. Pour mener à bien ses activités, l’UICN dispose d’un personnel composé de plus de 1 000 employés répartis dans 60 bureaux et bénéficie du soutien de centaines de partenaires dans les secteurs public, privé et ONG, dans le monde entier.

www.iucn.org

Au sujet de la Convention de Ramsar

La Convention de Ramsar est le traité intergouvernemental mondial relatif à la conservation et à l’utilisation durable des zones humides. Les Parties Contractantes (les Etats membres) s’engagent à protéger et à utiliser rationnellement toutes les zones humides, par le biais d’actions locales et nationales et de la coopération internationale. Les Parties mettent en œuvre ces obligations par le maintien du caractère écologique des zones humides, y compris en incorporant les considérations liées à la conservation dans l’aménagement du territoire et la gestion des ressources.
La Convention de Ramsar œuvre en coopération étroite avec l’UICN et nombre d’autres organisations environnementales mondiales et régionales. Ayant conclu des accords de coopération avec la plupart des traités environnementaux mondiaux, elle est notamment partenaire de mise en œuvre et chef de file pour les zones humides auprès de la Convention sur la diversité biologique (CDB). Elle tient compte des fonctions écologiques essentielles que jouent les zones humides pour les populations humaines et la diversité biologique, dont le maintien des avantages et des valeurs socio-économiques qu’elles apportent.

www.ramsar.org

Partenaires du projet

The South African Institute of Aquatic Biodiversity (SAIAB)
Wetlands International (WI)
Centre mondial de surveillance continue de la conservation de la nature du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE-WCMC)
Faculté des Sciences de l’information géographique et de l’observation de la Terre, Université deTwente, Pays-Bas (ITC)
Bureau régional de l’UICN pour l’Afrique australe et orientale (UICN ESARO)
Centre de coopération méditerranéenne de l’UICN

Donateur principal

Ce projet a été rendu possible grâce à l’aide financière de l’Union européenne. Les opinions exprimées ci-dessus ne peuvent en aucun cas être considérées comme l’expression de l’opinion officielle de l’Union européenne.

Autres donateurs / partenaires de financement
Comité néerlandais de l’UICN
Centre mondial de surveillance continue de la conservation de la nature du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE-WCMC)
Fondation MAVA pour la nature (MAVA)
Agence espagnole de coopération internationale pour le développement (AECID)
Ministrie von Buitenlandse Zaken/Ministère néerlandais des affaires étrangères (DGIS)
South African National Biodiversity Institute (SANBI)
The South African Institute of Aquatic Biodiversity (SAIAB)
Wetlands International (WI)

Ce travail fait partie d’une initiative plus étendue menée en partenariat entre l’UICN, Conservation International et NatureServe, dans le but d’évaluer l’état de la biodiversité mondiale d’eau douce.