Article | 22 Mai, 2019

Opportunités de restauration au coeur de la RDC

L’UICN, le gouvernement, les partenaires et un groupe de travail sur la gouvernance locale collaborent pour assurer la gestion durable des terres dans le paysage de Mangai en République démocratique du Congo – grâce à l’application de la méthodologie d’évaluation des opportunités de restauration.

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Photo: IUCN

En la République Démocratique du Congo (RDC) la pauvreté reste un défi important. Beaucoup de populations touchées par la pauvreté vivent dans des zones rurales et sont de petits exploitants agricoles. Ces populations dépendent fortement des ressources naturelles pour leur survie. Cependant, dans certains paysages, ces ressources sont fortement dégradées et le couvert forestier ne cesse de se réduire. La productivité est dans ce cas entravée par l'érosion des sols causée principalement par la déforestation et la surexploitation des terres agricoles. La restauration de paysages forestiers (RPF) est une stratégie qui aide à résoudre ces défis. 

Voilà pourquoi la RDC s'est engagée à restaurer 8 millions hectares de terres dégradées et déboisées dans le cadre de son engagement envers le Défi de Bonn. RPF constitue une stratégie clé pour atteindre les objectifs fixés dans le cadres des Contributions Déterminées au niveau National sur le climat (NDC) et les autres processus globaux pour lesquels la RDC s’est engagée tels que la Convention sur la Diversité Biologique et les Objectifs du Développement Durable (ODD).

C’est dans ce contexte que l'UICN collabore avec le gouvernement de la RDC par l’entremise de l'Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN) pour la mise en œuvre du projet de stabilisation de l’utilisation (PLUS) des terres du paysage de Mangaï dont l’un des aspects importants est la conduite d’une évaluation des opportunités de restauration. La restauration des écosystèmes de Mangai vise entre autres à répondre aux besoins actuels et futurs de conservation de la biodiversité, à augmenter la capacité de séquestration du carbone, à améliorer la productivité des sols, à améliorer l'économie locale.

Le Domaine de Chasse et Reserve à Hippopotames de Mangai qui constitue le paysage de Mangai est une aire protégée localisée au Sud-Ouest de la RDC, dans les territoires d’Idiofa en province de Kwilu et territoire d’Oshwe en province du Mai Ndombe. Elle dispose encore d’une valeur biologique importante bien que les écosystèmes subissent une forte pression anthropique et soient fortement dégradés.

Pour identifier les options de restauration du paysage, UICN et ICCN ont utilisé l’outil qui s’appelle la méthodologie d’évaluation des opportunités de restauration (MEOR). 

L’évaluation des opportunités de restauration du paysage de Mangai est un processus qui a été lancé en Avril 2018 et bouclé en Mars 2019. Elle a été réalisée au travers de 4 principales étapes et a fait face à divers défis.

Étape 1 : Collecte des données et consultations des parties prenantes

Cet assemblage des données s’est fait en deux temps à savoir, une collecte des données secondaires ou informations existantes et collecte des données primaires ou informations issues des consultations avec les parties prenantes. Ces consultations ont été organisées au niveau national à Kinshasa et au niveau local à Idiofa et Mangai et ont permis de compléter les données secondaires pour lesquelles Mangai ne dispose pas d’une documentation fournie.

La collecte des données primaires a surtout consisté à des échanges et discussions avec les personnes ressources à Idiofa et Mangai, des consultations des parties prenantes à Kinshasa, des communautés locales dans le paysage de Mangai, ainsi que des observations directes.

Les visites de terrain ont permis de vérifier directement les informations secondaires sur les aspects socioéconomiques dans les sites, notamment les initiatives des acteurs locaux et l’utilisation des terres dans le paysage de Mangai.

Étape 2 : Production des cartes thématiques

La production de différents types de cartes du paysage a été une étape capitale dans ce processus. La méthodologie a consisté en l’identification et la classification des critères ou proxies de dégradation des terres au travers d’analyses spatiales, d’observations sur terrain et de consultations avec les communautés. Notons que c’est sur la base de la localisation des zones dégradées, couplées aux potentiels de chaque zone, que les populations, avec l’appui de l’équipe technique, ont pu identifier les meilleures options de restauration.

Signalons que pour un paysage où les données ne sont pas disponibles et dont les zones sont inaccessibles, il est parfois difficile d’avoir des données fiables et de pouvoir les vérifier. Ainsi, pour le cas de Mangai, la mission de terrain a permis de relever certaines zones qui n’avaient pas été prises en compte dans la production de la carte de base et d’identifier une erreur qui sera corrigée lors de la production des futures cartes du paysage. Notons aussi que l’évaluation des opportunités du paysage n’a pris en compte que la partie méridionale du paysage, la partie septentrionale étant une zone dont la couverture forestière reste presque intacte.

Étape 3 : Identification des zones les plus dégradées et des options de restauration

Deux ateliers organisés à Mangai et à Idiofa ont mobilisé 51 et 47 participants, respectivement. En plus des experts de l'ICCN et de l'UICN, les représentants du secteur public et de la société civile, des associations thématiques communautaires, les chefs de terre, le représentant de la religion, le secteur privé et les institutions de formation, les femmes et les jeunes ont pris part à ces ateliers. Les réflexions ont porté sur les types de dégradation ainsi que sur les zones les plus touchées, les causes, les impacts et les options de restauration.

En marge de ces ateliers, des réunions bilatérales ont permis de recueillir des informations spécifiques sur l'histoire de la conservation et du développement dans le paysage de Mangai, ainsi que des statistiques socio-économiques et environnementales.

Ces consultations et visites de terrain ont facilité la validation des domaines d’intervention prioritaires qui seront concernés par la restauration à savoir, la création des zones de conservation sans toutefois compromettre les activités agricoles et forestières des populations locales; la fertilisation des terres agricoles ; la réduction de l’impact de l’agriculture sur les forêts et les savanes; le reboisement et l’agroforesterie; la restauration des infrastructures routières; la régénération naturelle des écosystèmes et finalement  la stabilisation des rives et des lits des ravins.

white tables in horseshoe pattern in room with people sitting on the outside       Photo: IUCN

Étape 4 : Présentation et validation des résultats au niveau national

Pour communiquer et assurer la validation des résultats de l’évaluation des opportunités de restauration au niveau national, un atelier de deux jours a été organisé à Kinshasa par l’UICN en collaboration avec ses partenaires de mise en œuvre du projet PLUS à savoir ICCN, OCEAN et TFD. Cet atelier a connu la participation du secteur privé, des bailleurs de fonds, des partenaires techniques et financiers, des institutions techniques gouvernementales, des ministères sectoriels (Ministères de l’Environnement et Développement Durable, de l’Agriculture et de l’Aménagement du Territoire), des ONGs nationales, de la coordination provinciale de l’environnement du Kwilu et de l’administration du territoire d’Idiofa, des représentants du groupe de travail sur la gouvernance du paysage de Mangai ainsi que du conservateur du Domaine de Chasse et Reserve à Hippopotame de Mangai.

A l’issue de cet atelier, les résultats de la MEOR ont été validés et des recommandations pertinentes ont été formulés en lien avec les défis, les stratégies et synergies à développer pour assurer la mise en œuvre des options de restauration tant en termes de mobilisation des ressources financières et humaines qu’institutionnelles (et sur les modalités de leur mise en œuvre comme l’implication des communautés locales, encourager la collaboration entre les diverses parties prenantes, mobiliser des financements, etc.).

Conclusion et leçons apprises

Une liste présentant les types d'intervention prioritaires et les plus à même d’être réalisés pour restaurer le paysage de Mangai est disponible. Les défis liés à leur mise en œuvre sont également identifiés L’analyse du coût de mise en œuvre de certaines de ces options a été effectué, et certaines options de financement et d'investissement identifiées. Les résultats de ce travail seront utiles pour l'élaboration du Plan d’Aménagement et de Gestion de Mangai ainsi que pour le fonctionnement du groupe de travail sur la gouvernance de Mangai et le développement de projets locaux amenés à avoir un impact important sur la conservation de la biodiversité et le développement local.

Il est aussi important de mentionner que le Ministère de l’Environnement et du Développement Durable, à travers la direction chargée de la mise en œuvre des engagements de la RDC par rapport au Bonn challenge et de la neutralité de la dégradation des terres, a émis le souhait de capitaliser l’évaluation conduite dans le paysage de Mangai dans le processus national en lien avec les engagements internationaux de la RDC. IUCN soutiendra ce processus au niveau technique du projet PLUS.

Parmi les leçons à retenir, la mise en œuvre de l’outil MEOR dans le paysage de Mangai, a permis de mettre en exergue l’importance et les bénéfices liés au fait d’avoir préalablement mis en place une structure locale capable de regrouper les différentes parties prenantes utilisatrices des ressources. Cette structure locale facilite l’identification des communautés à consulter au niveau du paysage pour discuter des options de restauration. De ce cas présent, le processus MEOR du paysage Mangai s’est appuyé sur le groupe de travail sur la gouvernance récemment mise en place par le projet PLUS.

 

—Histoire par Grace Baruka, UICN Coordinateur de pays, Projet de Stabilisation de l'Utilisation des Terres, République Démocratique du Congo