Communiqué de presse | 28 Oct, 2021

Les forêts de dix sites du patrimoine de l’UNESCO émettent du CO2 à cause de l’activité humaine et du changement climatique

La toute première étude scientifique portant sur les niveaux de dioxyde de carbone émis et absorbé par les forêts du patrimoine mondial de l’UNESCO a révélé qu’au cours des 20 dernières années au moins dix sites majeurs ont été des sources d’émissions nettes de CO2. Autrement dit, ces forêts ont émis plus de CO2 qu’elles n’en ont absorbé, en raison de la pression exercée par l'activité humaine et le changement climatique.

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Tropical Rainforest Heritage of Sumatra, Indonesia

Photo: IUCN / Peter Howard

Les forêts du patrimoine mondial absorbent 190 millions de tonnes de CO2 chaque année

En combinant des images satellites avec des données de suivi recueillies sur les différents sites, des chercheurs de l’UNESCO, de l’Institut des ressources mondiales (WRI) et de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) ont pu estimer la quantité nette de CO2 absorbé et émis par les forêts du patrimoine mondial de l’UNESCO entre 2001 et 2020 et déterminer les causes de certaines émissions.

L’étude a montré que, dans leur ensemble, les forêts se trouvant dans les sites naturels du patrimoine mondial absorbent chaque année environ 190 millions de tonnes de CO2 présentes dans l’atmosphère. Cette quantité correspond à environ la moitié des émissions annuelles de CO2, issues de combustibles fossiles, rejetées par le Royaume-Uni. « À ce jour, nous disposons de l’image la plus détaillée du rôle vital que jouent les forêts des sites du patrimoine mondial dans l'atténuation du changement climatique », a déclaré Tales Carvalho Resende, de l'UNESCO, qui a co-rédigé le rapport.

Les forêts du patrimoine mondial, dont la superficie totale de 69 millions d’hectares représente environ deux fois la taille de l’Allemagne, sont des écosystèmes riches en biodiversité qui, en plus d’absorber le CO2 de l'atmosphère, stockent également d’importantes quantités de carbone. La séquestration du carbone par ces forêts au fil des siècles a conduit au stockage total d’environ 1,3 milliard de tonnes de carbone, soit plus que le carbone contenu dans les réserves pétrolières connues du Koweït. Si tout ce carbone stocké devait être libéré dans l’atmosphère sous forme de CO2, cela reviendrait à ajouter 1,3 fois les émissions annuelles totales de CO2 provenant des combustibles fossiles.

Les résultats obtenus dans 10 forêts du patrimoine mondial sont préoccupants

Toutefois, étant donné que les sites du patrimoine mondial sont très prisés et protégés, le fait que 10 de ces forêts ont émis plus de carbone qu'elles n'en ont capturé, en raison de différentes pressions et perturbations, est alarmant.

Les causes de l'augmentation des émissions varient, d’après les données sur les menaces de l’Horizon du patrimoine mondial de l’UICN. Sur de nombreux sites, les activités humaines telles que l'exploitation forestière et le défrichage des terres au profit de l’agriculture provoquent des émissions supérieures à la séquestration de carbone. L’ampleur et la gravité croissantes des incendies de forêt, souvent liées à de longues périodes de sécheresse, constituent également un facteur prédominant. Sur certains sites, d’autres phénomènes météorologiques extrêmes, tels que les ouragans, en sont la cause. L’Horizon 3 de l’UICN, publié en décembre 2020, a démontré que le changement climatique est désormais la plus grande menace sur le patrimoine mondial naturel.

« Toutes les forêts devraient être des atouts dans la lutte contre le changement climatique. La conclusion de notre rapport selon laquelle même certaines des forêts les plus emblématiques et les mieux protégées, comme celles que l’on trouve au sein des sites du patrimoine mondial, peuvent en fait contribuer au changement climatique est alarmante et met en lumière la gravité de cette urgence climatique », a déclaré Tales Carvalho Resende.

Dans les années à venir, la séquestration et les stocks de carbone risquent d’être perturbés dans un nombre croissant de sites dans le monde, en raison de paysages de plus en plus fragmentés et dégradés, et de phénomènes climatiques plus fréquents et plus intenses.

Une meilleure gestion des sites génère des résultats

Ce rapport plaide en faveur d’une protection forte et durable des sites naturels du patrimoine mondial de l’UNESCO et des paysages qui les entourent, afin que les forêts puissent continuer à servir de puits et de réserves de carbone pour les générations futures. Pour y parvenir, le rapport préconise d’agir rapidement contre les évènements climatiques, ainsi que de maintenir et de renforcer la connectivité écologique par un meilleur aménagement des paysages.

En Indonésie, par exemple, les agences gouvernementales ont utilisé des systèmes d'alerte incendie en temps quasi réel pour réduire considérablement leur temps de réponse moyen. Une réponse rapide est indispensable pour éviter que les incendies ne se transforment en conflagrations destructrices produisant d'importantes émissions.

Et au sein du Trinational de la Sangha, un site du patrimoine mondial situé au Cameroun, en République centrafricaine et en République du Congo, la création d'une zone tampon autour du site a contribué à ce que certaines activités humaines avoisinantes n’aient pas d’impacts néfastes sur le site. Cette zone tampon est aussi, en soi, un important puits de carbone.

Le rapport recommande également d’intégrer la protection continue des sites du patrimoine mondial de l’UNESCO dans les stratégies internationales, nationales et locales relatives au climat, à la biodiversité et au développement durable, conformément à l’accord de Paris sur le climat, au cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020 et aux Objectifs de développement durable.

« Cette étude menée sur des sites emblématiques du patrimoine mondial montre que la combinaison de données recueillies sur le terrain et satellitaires peut améliorer la prise de décision au niveau local et renforcer la responsabilisation, et ainsi favoriser la préservation des forêts, du climat et des populations. », a déclaré David Gibbs, associé de recherche du WRI et co-auteur du rapport.

« Les sites du patrimoine mondial contiennent parmi les plus grandes forêts intactes de la planète, qui non seulement stockent d’énormes quantités de carbone mais aussi servent de refuge pour de nombreuses espèces emblématiques. La protection de ces sites contre la fragmentation croissante et la multiplication des menaces constituera un élément central de notre capacité collective à faire face au changement climatique et à l’appauvrissement de la biodiversité. », a souligné Tim Badman, Directeur du Programme du patrimoine mondial de l’UICN.

Les sites suivants du patrimoine mondial de l’UNESCO se sont avérés être des émetteurs de dioxyde de carbone pour la période 2001-2020 : les Montagnes de Barberton Makhonjwa (Afrique du Sud), la région des Montagnes Bleues (Australie), le Parc international de la paix Waterton-Glacier (Canada, États-Unis), le Parc national de Morne Trois Pitons (Dominique), le Parc national de Yosemite (États-Unis), le Parc national du Grand Canyon (États-Unis), le Bassin d’Ubs Nuur (Fédération de Russie, Mongolie), le Patrimoine des forêts tropicales ombrophiles de Sumatra (Indonésie), la réserve de la biosphère Río Plátano (Honduras), et le Parc du Kinabalu (Malaisie).

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