Communiqué de presse | 24 Juin, 2015

Mise en garde de l’UICN : le changement climatique et les barrages menacent le patrimoine mondial naturel

Le changement climatique et les projets de barrages à grande échelle mettent les sites du patrimoine mondial naturel en péril, avertit l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), l’organisation consultative officielle pour les biens naturels du Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO, qui se réunira dimanche à Bonn (Allemagne).

Cette année, pour la première fois depuis longtemps, la question du changement climatique sera soumise à l’attention du Comité du patrimoine mondial, en tant que menace de taille pour les biens du patrimoine mondial, aussi bien naturel que culturel. L’impact du changement climatique est déjà évident sur 35 des 228 sites inscrits sur la Liste du patrimoine mondial en vertu de leurs valeurs naturelles, selon l’Horizon du patrimoine mondial de l’UICN, première évaluation globale des perspectives de conservation du patrimoine mondial naturel. En outre, le changement climatique pourrait à l’avenir constituer la menace la plus répandue pour l’ensemble des biens du patrimoine mondial.

« Peu de personnes sont conscientes de l’étendue des dommages infligés par le changement climatique, notamment dans certaines des zones naturelles les plus spectaculaires de notre planète », indique Inger Andersen, Directrice générale de l’UICN. « Nous devons agir et traiter cette menace sur le terrain, et à l’échelle mondiale. Un accord ambitieux entre les gouvernements qui se réuniront à Paris en fin d’année, dans le cadre des discussions sur le climat des Nations Unies, pourrait aider à sauvegarder notre précieux patrimoine mondial. Les enjeux sont trop élevés pour que nous rations ce qui pourrait très bien s’avérer être notre dernière opportunité ».

Bien que seuls des efforts coordonnés au niveau mondial puissent aider à faire face à la menace du changement climatique, il est important d’accroître la résilience des sites menacés en limitant d’autres pressions à un niveau minimum, selon l’UICN.

Les sites marins et côtiers sont confrontés à des défis particuliers en raison de l’élévation du niveau de la mer, de l’acidification des océans, et de l’augmentation de la fréquence et de l’ampleur des phénomènes météorologiques extrêmes. En Australie, sur le site de la Grande Barrière – le plus grand ensemble corallien du monde – l’augmentation des températures de l’eau entraine le blanchiment des coraux, et l’acidification de l’océan restreint la croissance et la survie des coraux.

Dans les îles Salomon, Rennell Est, site du patrimoine mondial mis « en péril » par des activités d’exploitation forestière, l’accroissement de la salinité du lac Tegano lié à la montée du niveau des mers a engendré une réduction de l’apport en eau douce et des pénuries alimentaires pour les communautés locales.  

Les barrages constituent eux aussi une menace croissante grave au patrimoine mondial naturel, comme le montrent les recommandations de l’UICN au Comité. Cette année, 11 biens du patrimoine mondial naturel menacés par des projets de barrages feront l’objet de discussions, dont plusieurs où les impacts proviennent de barrages situés dans un pays voisin. L’UICN appelle à une étude d’impact environnemental plus efficace dans le cadre de ce type de projets, et à l’amélioration de la coopération transfrontalière dès les premières phases, afin d’éviter ou de minimiser les effets préjudiciables des barrages sur le patrimoine mondial.

« Les barrages peuvent avoir un impact considérable sur les sites du patrimoine mondial, réduisant de précieuses zones humides, modifiant le débit des fleuves, avec des répercussions sur les communautés locales », explique Tim Badman, Directeur du Programme de l’UICN sur le patrimoine mondial. « Il est fondamental d’envisager de meilleures alternatives qui évitent ce type de constructions dans la mesure du possible, et d’évaluer correctement les effets des barrages sur le patrimoine mondial avant de les construire. La nature transcende les frontières nationales, et les efforts déployés pour préserver ce que nous reconnaissons comme notre patrimoine collectif doivent également dépasser les frontières nationales. »

A la suite d’une mission de terrain, l’UICN s’inquiète de ce que le barrage Gibe III en Éthiopie altère de manière permanente les débits fluviaux saisonniers vers les Parcs nationaux du lac Turkana, un site du patrimoine mondial situé au Kenya – avec des répercussions sur la faune, la flore, et les réserves de poissons dont dépendent les communautés locales. Le barrage est en passe d’être achevé, et constituera le deuxième barrage hydroélectrique le plus grand d’Afrique, fort de ses 243 mètres de haut. L’Éthiopie et le Kenya ont convenu d’accroître leur coopération en vue de réduire les effets du barrage sur le lac Turkana.  

En Russie, le lac Baïkal, le lac le plus vaste et profond au monde, inscrit sur la Liste du patrimoine mondial depuis 1996, pourrait souffrir les conséquences de trois projets prévus en Mongolie, dont la construction de deux centrales hydroélectriques et d’un réservoir. Au cours d’une mission de suivi récente en Mongolie, l’UICN a découvert que seul un des cas avait donné lieu à une étude d’impact environnemental. Ainsi, les effets combinés de ces trois projets sur le lac sont inconnus, et sont susceptibles d’endommager gravement ses valeurs de patrimoine mondial.  

Le Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO se rassemblera du 28 juin au 8 juillet à Bonn (Allemagne) à l’occasion de sa réunion annuelle, pour prendre des décisions relatives à la conservation des sites du patrimoine mondial affectés par diverses menaces, et à l’inscription de nouveaux sites potentiels.

L’UICN, qui a préparé les rapports de suivi de 55 sites naturels du patrimoine mondial pour la réunion, recommande d’inscrire sur la Liste du patrimoine mondial en péril les Aires protégées du Cerrado : Parcs nationaux Chapada dos Veadeiros et Emas, au Brésil, en raison de sa protection juridique inadaptée.

L’UICN recommande en outre le retrait du Parc national Los Katíos, en Colombie, de la Liste du patrimoine mondial en péril, après que la Direction du parc a repris le contrôle de la zone à l’issue de troubles civils et d’un conflit armé. Los Katíos abrite une biodiversité exceptionnelle, dont de nombreuses espèces endémiques et menacées comme le crocodile américain, le fourmilier géant et le tapir d'Amérique centrale.

Huit propositions d’inscription sur la Liste du patrimoine mondial ont été évaluées cette année par l’UICN, qui recommande le statut de patrimoine mondial pour le Parc national jamaïcain des Blue and John Crow Mountains, d’importantes extensions au Parc national de Phong Nha – Ke Bang (Viet Nam) et aux Aires protégées de la Région florale du Cap (Afrique du Sud), ainsi que des modifications au niveau des frontières du Parc naturel des colonnes de la Lena, en Russie.

Pour de plus amples informations, ou pour solliciter des entretiens, merci de contacter :
Ewa Magiera, Relations presse de l’UICN, ewa.magiera@iucn.org +41 76 505 33 78
Célia Zwahlen, Communications de l’UICN sur le Patrimoine mondial, celia.zwahlen@iucn.org +41 22 999 07 16

Notes de l’éditeur :
Les sites naturels du patrimoine mondial sont mondialement reconnus comme les aires protégées les plus importantes de la planète. Ils sont inscrits sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en raison de leurs valeurs naturelles uniques, comme l’étendue des milieux naturels, le caractère intact des processus écologiques, la viabilité de populations d’espèces rares, ainsi que leur beauté naturelle exceptionnelle.

L’UICN est l’organisation consultative du Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO pour les biens naturels. En collaboration étroite avec la Commission mondiale des aires protégées (CMAP) de l’UICN, l’organisation évalue les propositions d’inscription de sites sur la Liste du patrimoine mondial, contrôle l’état de conservation des sites déjà inscrits, promeut la Convention du patrimoine mondial en tant qu’outil majeur de la conservation au niveau mondial, et offre soutien, conseils, et formations aux gestionnaires de sites, aux gouvernements, aux scientifiques, et aux communautés locales.