Communiqué de presse 09 Nov, 2011

Un autre pas vers le Baromètre de la Vie

La dernière mise à jour de la Liste rouge de l’UICN des espèces menacéesTM illustre les efforts entrepris par l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) et par ses partenaires pour accroître le nombre et la diversité des espèces évaluées, en améliorant la qualité des informations afin de dresser un meilleur tableau de l’état de la biodiversité. Avec plus de 61 900 espèces étudiées à ce jour, un autre pas de géant a été franchi pour faire de la Liste rougeun véritable « Baromètre de la Vie », que d’éminents experts appelaient de leurs vœux dans le magazine Science de 2010.

« Cette mise à jour nous apporte de bonnes et de mauvaises nouvelles sur le statut de nombreuses espèces du monde entier » dit Jane Smart, Directrice du Programme mondial de l’UICN pour les espèces. « Nous savons que les efforts de conservation donne des résultat si ils sont mis en oeuvre à temps mais, sans un ferme soutien politique associé à des efforts ciblés et à des ressources suffisantes, les merveilles de la nature et les services qu’elle nous offre pourraient être perdus pour toujours. »

Malgré les actions des programmes de conservation, 25% des mammifères sont menacés d’extinction. Par exemple, la réévaluation de plusieurs espèces de rhinocéros révèle que la sous-espèce de rhinocéros noir d’Afrique de l’Ouest (Diceros bicornis longipes) est désormais officiellement déclarée Eteinte. La sous-espèce de rhinocéros blanc d’Afrique centrale, le rhinocéros blanc du Nord (Ceratotherium simum cottoni), est aujourd’hui à la limite de l’extinction et a été classée parmi les espèces Peut-être éteintes à l’état sauvage. Le rhinocéros de Java (Rhinoceros sondaicus) livre lui aussi sa dernière bataille : la sous-espèce Rhinoceros sondaicus annamiticus s’est probablement Eteinte au Vietnam, en 2010, suite au braconnage de ce que l’on pense avoir été le dernier spécimen. Même si cela ne signe pas la fin du rhinocéros de Java, cela réduit néanmoins l’espèce à une unique population minuscule et toujours en déclin sur l’île de Java. Les menaces majeures qui pèsent sur ces animaux sont le manque de volonté et desoutien politique en faveur des efforts de conservation dans de nombreux habitats de rhinocéros, les groupes criminels internationaux organisés qui les ciblent , la demande illégale sans cesse croissante de corne de rhinocéros et le braconnage.

« Les hommes sont les gardiens de la terre, et nous sommes responsables de la protection des espèces qui partagent notre environnement » dit Simon Stuart, Président de la Commission de sauvegarde des espèces de l’UICN. « Dans les cas du rhino noir de l’Ouest et du rhino blanc du Nord, la situation aurait pu avoir des résultats très différents si les mesures de conservation suggérées avaient été mises en place. Il faut renforcer ces mesures maintenant, et particulièrement gérer les habitats de façon à améliorer les résultats de la reproduction, pour empêcher que d’autres, tel le rhinocéros de Java, disparaissent à leur tour. »

La conservation a déjà connu plusieurs succès, comme celui de la sous-espèce de rhinocéros blanc du Sud (Ceratotherium simum simum) dont on estime que la population sauvage est passée de moins de 100 individus à la fin du 19ème siècle à plus de 20.000 aujourd’hui. Le cheval de Prjevalski (Equus ferus) est aussi une belle réussite : il a vu passer son statut de En danger critique d’extinction à En danger. Au départ, en 1996, il était classé comme Eteint à l’état sauvage, mais grâce à un programme de reproduction en captivité et à un programme réussi de réintroduction, on estime que la population sauvage compte aujourd’hui plus de 300 individus.

Les reptiles constituent une composante importante de la biodiversité, particulièrement dans les habitats arides et sur les îles un peu partout dans le monde. Ces dernières années, de nombreuses nouvelles espèces de reptiles ont été évaluées, notamment à la plupart de ceux que l’on trouve à Madagascar. Les résultats, alarmants, révèlent que 40% des reptiles terrestres de Madagascar sont menacés. Les 22 espèces identifiées comme étant En danger critique d’extinction, une catégorie comprenant des caméléons, des geckos, des scinques et des serpents, sont aujourd’hui un vrai défi pour la conservation de la nature. Ces nouvelles informations aident à guider la planification de la préservation de la biodiversité et permettent de faire une évaluation de la protection que les réserves naturelles malgaches offrent aux reptiles. Il est encourageant de savoir que de nouvelles zones de conservation sont créées à Madagascar et qu’elles aideront à préserver une proportion significative des espèces En danger critique d’extinction, comme le caméléon Tarzan (Calumma tarzan), le caméléon au nez bizarre (Calumma hafahafa) et le scinque apode (Paracontias fasika). En raison de leur statut sur la Liste rouge, des espèces qui, de tout temps, ont été ignorées par les efforts de conservation, comme les geckos En danger Paroedura masobe et Uroplatus pietschmanni, figureront de façon plus voyante dans les nouveaux plans.

Les plantes sont des ressources essentielles pour le bien-être des hommes ; elles sont des composantes critiques des habitats sauvages. Elles sont pourtant sous-représentées dans la Liste rouge de l’UICN. Le travail actuellement en cours pour améliorer leur connaissance inclut une évaluation de tous les conifères. A ce stade, les résultats révèlent certaines tendances troublantes. Le sapin d’eau chinois (Glyptostrobus pensilis), par exemple, qui était jadis très répandu en Chine et au Vietnam, est passé de En danger à En danger critique d’extinction. La principale cause de déclin est la perte d’habitat au profit de l’agriculture intensive, et, il semble bien qu’en Chine, il ne subsiste aucun plant sauvage. La plus grande des populations récemment découverte au Laos a été détruite par l’inondation créée par la construction projet hydraulique et très peu d’arbres sur le sol vietnamien, s’il en reste, produisent encore des semences viables, ce qui signifie que cette espèce se dirige rapidement vers le statut Eteint à l’état sauvage. Un autre exemple, le Taxus contorta, qui est utilisé pour la production de Taxol, un médicament utilisé en chimiothérapie, est passé de Vulnérable à En danger à cause de sa surexploitation à des fins médicinales ainsi que de l’excès de prélèvement pour le bois de feu et le fourrage. De nombreuses autres espèces végétales tropicales courent aussi un risque. La majorité des plantes à fleurs endémiques des îles granitiques des Seychelles ont été évaluées, et les études actuelles montrent que, sur les 79 espèces étudiées, 77% font face à un risque d’extinction. La plupart d’entre elles sont de nouvelles évaluations, mais une espèce, le fameux coco de mer (Lodoicea maldivica) a vu son statut passer de Vulnérable à En danger. Connu pour ses propriétés supposées aphrodisiaques, le coco de mer est menacé par les feux et la collecte illégale de ses noix. Actuellement, toute collecte et vente de ses noix sont fortement réglementées, mais on pense qu’il en existe un important marché noir.

La Liste rouge de l’UICN suit de près les découvertes scientifiques. Par exemple, jusqu’il y a peu, on ne connaissait qu’une espèce de raie Manta, mais de nouvelles comparaisons des observations de terrain révèlent aujourd’hui qu’il y a en fait deux espèces de raies Manta : la raie Manta de récif (Manta alfredi) et la raie Manta géante (Manta birostris). Toutes deux sont maintenant classées Vulnérables. La raie Manta géante est la plus grande raie vivante ; elle peut atteindre plus de sept mètres d’envergure. Les produits tirés de la raie Manta ont une grande valeur sur le marché international, et des pêches ciblées les chassent pour leurs branchies filtrantes utilisées dans la médecine traditionnelle chinoise. Il est indispensable d’instaurer d’urgence un suivi et une réglementation de l’exploitation et du commerce des deux espèces de raies Manta mais aussi de protéger leurs principaux habitats.

Les résultats des évaluations de toutes les espèces de scombridés (thons, bonites, maquereaux et thazards) et de marlins (espadons et marlins) ont été récemment publiés dans le magazine Science. Les résultats détaillés qui se trouvent maintenant dans la Liste rouge de l’UICN montrent que la situation est particulièrement grave pour les thons. Cinq des huit espèces de thons sont dans les catégories menacées ou Quasi menacées. Elles comprennent le thon rouge du Sud (Thunnus maccoyii), En danger critique d’extinction, le thon rouge du Nord ou thon rouge de l’Atlantique (T. thynnus), En danger, le thon obèse (T. obesus), Vulnérable, le thon jaune (T. albacares), Quasi menacé et le Germon ou thon blanc (T. alalunga), Quasi menacé. Ces informations seront très précieuses pour aider les gouvernements à prendre des décisions qui pourraient sauver l’avenir de ces espèces, dont beaucoup ont une très grande valeur économique.

Le statut du saumon rouge (Oncorhynchus nerka), une espèce emblématique que l’on trouve dans le nord du Pacifique a été récemment réévalué. Si le statut global de l’espèce reste inchangé, Préoccupation mineure, l’évaluation réalisée à l’échelle des sous-populations révèlede grandes menaces pour cette espèce dans ses habitats d’Amérique du Nord, 31% des sous-populations évaluées sont menacées, ce qui souligne le besoin de poursuivre les mesures de conservation.

Les amphibiens jouent un rôle vital dans les écosystèmes ; ce sont aussi des indicateurs de la bonne santé de l’environnement et de réelles pharmacies ambulantes utilisées dans la recherche de nouveaux médicaments. En tant qu’un des groupes les plus menacés, les amphibiens sont suivis de près par l’UICN, et 26 amphibiens récemment découverts ont été ajoutés à la Liste rouge de l’UICN. La grenouille bénite (Ranitomeya benedicta) est actuellement classée comme Vulnérable et la grenouille de Summers (Ranitomeya summersi) est En danger. Les deux espèces sont menacées par la perte de leur habitat et par les collectes destinées au commerce international d’animaux de compagnie.

« La Liste rouge de l’UICN est un indicateur critique de la santé de la biodiversité car elle identifie les besoins de conservation et elle renseigne sur les changements nécessaires dans les politiques et les législations destinées à faire progresser la conservation » dit Jean-Christophe Vié, Directeur adjoint du Programme de l’UICN pour les espèces. « Le monde est plein d’espèces merveilleuses qui pourraient très rapidement devenir des objets de mythes et de légendes si des efforts de conservation ne sont pas réalisés plus efficacement – si nous n’agissons pas maintenant, les générations futures pourraient ne jamais savoir à quoi ressemblent un sapin d’eau chinois ou un caméléon au nez bizarre. » 

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